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La villa de Lussas-et-Nontronneau est l’exemple périgourdin le mieux conservé des grandes villae qui se diffusent aux début de l’Empire dans les campagnes pétrucores. Elle complète le site de Montcaret, plus tardif, et permet de percevoir la diffusion de la romanisation depuis le chef-lieu de cité.

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Une villa du Haut-Empire connue depuis 1967

L’établissement rural de Nontronneau se trouve au Nord de la Cité des Pétrucores, près de la Cité des Lémovices. Construit sur un plateau alluvial, au sommet de la vallée du Bandiat, il se compose du bâtiment correspondant à la partie résidentielle (pars urbana). Orientée Est-Ouest, celle-ci s’organise selon un plan de type méditerranéen : autour d’une grande cour intérieure à péristyle s’organisent trois des quatre ailes de la résidence, l’un des angles est occupé par des thermes. A l’extérieur, une galerie de façade à colonnade complète le bâtiment. Ce plan semble être la norme au Haut-Empire en Aquitaine celtique et méridionale, contrairement aux affirmations de la tradition historiographique qui place l’Aquitaine septentrionale dans la zone géographique de diffusion du plan ramassé à galerie de façade et pavillons d’angle. La villa de Lussas confirme donc cette hypothèse et illustre de nouvelles problématiques sur la diffusion des modèles architecturaux des villae en Aquitaine.

La villa fut découverte lors de la sécheresse de 1967. Au cours de prospections, F. Reix et L. Le Cam repérèrent plusieurs alignements de murs. En 1968, l’hypothèse d’un établissement antique fut confirmée et en 1969, la présence d’un habitat gallo-romain étendu appartenant à une villa était prouvée. Entre 1970 et 1984, L. Le Cam mena annuellement des fouilles extensives. En 1997, une synthèse sur la villa présenta les connaissances acquises mais permettait surtout une nouvelle lecture des vestiges. Un programme triennal de fouilles fut alors engagé entre 2002 et 2005. L’organisation générale de la villa est, depuis, mieux cernée.

Une demeure aristocratique

La villa de Nontronneau appartient à la catégorie des grandes demeures aristocratiques d’Aquitaine, définie par la présence de cour à galerie, de vestibules d’apparat, de salles de réception et de thermes. La pars urbana présente tous ces éléments, confirmant sont influence méridionale.

Dès le premier état, daté de l’époque flavienne (69-96), la résidence s’organise selon le principe de division sociale de l’espace public/privé. Pour ce faire, la demeure possède des salons d’apparat, sublimés par l’architecture et par une perspective axiale Est-Ouest. Lane Est se compose de pièces ouvrant sur une galerie extérieure mettant en valeur la vue sur le paysage environnant. Un couloir permet la communication avec la cour intérieure. Même si cette aile est le point de départ d’une perspective aboutissant aux pièces d’apparat de l’aile Ouest, elle ne possède pas le système architectural d’entrée décrit lors des fouilles précédentes. Elle est mise en valeur par une grande galerie extérieure mais cela ne permet pas de conclure à un accès par l’Est. Face à l’aile Est, à l’Ouest, trois pièces s’organisent le long d’une galerie à péristyle. Un fronton central, supporté par deux colonnes, monumentalise la façade d’un grand salon d’apparat. Ce dernier, largement ouvert sur la cour en été mais fermé en hiver par un système de cloison mobile, selon un modèle importé d’Italie, est probablement une des salles d’audience du dominus. La liaison entre Est et Ouest par une troisième aile n’est pas prouvée par ce premier état : l’aile Nord semble se développer a posteriori.

Dans un second état, au cours du II siècle, l’aile Est se dote, à l’exemple de l’aile Ouest, d’un secteur public, avec la création d’une grande salle de réception ouverte. Un caractère entièrement public est donc donné à la perspective axiale reliant le salon de l’aile Ouest à celui de l’air Est. A l’Ouest, la superficie du bâtiment est presque doublée. Des pièces sont construites à l’arrière des deux salons. Elles ne s’organisent pas autour d’un atrium à bassin comme supposé auparavant, mais à partie d’un couloir central, complété d’une annexe pouvant être un espace de stockage des denrées, masqué à la vue par un plancher. La villa s’étend également au Nord. Trois pièces y sont attestées, bordées d’une petite galerie prenant appui sur le mur stylobate de la galerie Ouest.

Lors d’une troisième phase de construction, à la fin du II siècle, plus probablement au III siècle, l’aile Est perd son caractère public. L’ouverture vers la galerie extérieure est formée. Les pièces sont subdivisées. Les superficies s’adaptent à une nouvelle fonction, plus quotidienne. A l’Ouest, l’espace se complexifie. A l’arrière des salons d’apparat, deux autres salons doublés chacun d’une pièce adjacente s’organisent selon une symétrie inversée autour d’une pièce centrale et sont chauffés par des cheminées. Au Nord, l’aile s’étend pour relier Ouest et Est. Plusieurs pièces dallées sont construites et régulièrement rénovées. Cet embellissement général de la villa se complète de la construction de thermes durant la seconde moité du III siècle. Les bains s’organisent en deux séries de trois pièces, l’une chauffée l’autre non, complétées d’un espace de service. Ils offrent la possibilité de deux parcours de bains, selon que l’on soit sportif ou non. Au début du IV’ sicèle, un bassin polygonal est ajouté, les pièces sont embellies. Ces réfections, caractéristiques des villae aristocratiques aquitaines, permettent de mesurer l’importance accordée aux bains privés, qui deviennent des espaces complexes où s’exercent diverses formes de sociabilité.

Gwénaelle Marchet-Legendre